PARENTHÈSES
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RIENS...DU
TOUT !
Rien
n'est plus affairé que la marche du Monde
Et
son rythme infernal, engrenage sans frein
Mais
rien n'est plus dispos que l'âme vagabonde
Qui
s'ouvre à la lumière et virevolte en vain.
Rien
n'est aussi jaloux que le temps qui nous tire,
Nous
arrache aux beaux jours, ceux dont nous sommes nés
Mais
rien n'est généreux comme l'air qu'on respire,
Salutaire
et prodigue aux plus infortunés.
Rien
n'est plus écrasant qu'un excès de misère
Qu'elle
opprime le cœur, la pensée ou le corps
Mais
rien n'est plus léger que conscience claire
S'il
en est parmi nous sans tache ni remords.
Rien,
dans l'ordre fatal qui passe et qui nous presse,
N'a
donné le départ ni n'en verra le bout,
Rien
n'est capable, seul, de soutenir sans cesse
Son
propre mouvement. Rien, excepté le Tout.
***
À
LA CANTONADE
«
La pensée à l'endroit, les pieds sur terre,
Foutaises,
bonnes gens ! Autour de nous
Les
vents nouveaux vont sens devant derrière,
L'ordre
du monde est sens dessus dessous.
Si
l'inconnu vous heurte, vous malmène
Quand
nous ruons dans vos vieilles cloisons,
N'en
peuvent mais l'assommante rengaine
De
vos regrets ni vos justes raisons.»
Cette
rude apostrophe est sans parade.
Oui,
nous devons inventer pour demain
Un
âge neuf, un généreux dessein.
Parlons-en
donc...fût-ce à la cantonade!
°
°
°
Ne
singeons pas ici la piteuse querelle
Qui,
jadis, opposa « modernes » et « anciens »
Sans
que notre culture
ouverte, universelle
Ait
jamais immolé Rome, Grecs ou Troyens.
En
avant !
Le progrès nous stimule et nous guide,
Encore
lui faut-il un projet, un emploi,
Une
approche féconde, un jugement lucide,
Ne
le confondons pas avec n'importe quoi.
°
°
°
Nous
rêvons d'un mieux-être, invoquons la croissance...
Absente,
où la trouver ? Certes pas dans les mots.
Autant
briguer l'aubaine, escompter l'un des lots
Divinement
offerts par quelque providence.
L'attente
est inutile, agissons ! « En ce cas,
Distribuons
d'abord l'argent que l'on n'a pas,
Un
beau jour ou jamais nous réglerons nos dettes ».
Le
pays n'a que trop pâti de ces sornettes.
Aujourd'hui,
fourvoyé dans un âge d'airain,
Ses
idéaux bannis du cercle des affaires,
Il
répugne à mener les efforts exemplaires
Qui
pourraient lui valoir un avenir serein.
Politique,
famille, enseignement, idées,
Mœurs,
économie, arts, le désordre est partout
Qui
remet tout en cause et qui rien ne résout,
Nourri
par un fatras de voix désaccordées.
Cibles
de ce tollé, élus et gouvernants
Tentent
de raffermir leurs pouvoirs déclinants
Par
des gestes pompeux, des propos péremptoires
Qui
gonflent le débat de propos illusoires
Fuyant
l'obstacle au lieu de le braver de front.
Déconcerté,
le peuple, enjeu de ce spectacle,
Se
déclare frustré, revendique, renâcle
Sans
que soit bien compris son malaise profond.
°
°
°
Si
nous perdons le cap, équipage en dérive,
Ne
jetons pas la pierre à quelque timonier.
Une
page se tourne. Un monde familier,
Privé
de ses ressorts, erre sans perspective
Et
nous tergiversons, menacés de déclin.
Tandis
que monte ailleurs l'espoir du genre humain,
Tout
semble ici stagner. Audace et nostalgie,
Supports
intemporels de l'idéologie,
Fantasmes
nébuleux, s'opposent en champ clos.
Or
la réalité n'est ni blanche ni rouge,
Elle
orchestre la Terre à son rythme, elle bouge,
À
nous de l'épouser, sans hâte ni repos.
Encore
faudrait-il apprendre à la connaître.
Hélas
! Trop exposée aux arguments trompeurs
Qui
charment les esprits, alimentent les peurs,
Un
rêve la défie, un mensonge l'empêtre.
Alors
ouvrons les yeux, souffrons des vérités
Qui
froissent le confort de nos mentalités.
Nous
ne pourrons longtemps admettre une culture
Prompte
à tordre les faits, à léser la nature,
Riches,
dilapider nos ressources sans frein
Quand,
à côté de nous, la faim sévit encore
Ou
doctes, soupeser des maux que nul n'ignore,
Parler
de les guérir mais attendre demain.
°
°
°
Cet aperçu n'a rien qui sonne la défaite,
Cet aperçu n'a rien qui sonne la défaite,
Rien
qui veuille attiser critiques et courroux.
Gardons-nous
toutefois du sauveur, du prophète,
Du
démagogue enclin à gémir avec nous
Car
aujourd'hui, penseur, expert ou responsable,
Nul
ne saurait, d'un trait, esquisser l'avenir,
La
force collective en est seule comptable
Mais
il revient d'abord au pouvoir de l'unir.
° °
° °
°
Foin
des procès mesquins, des viles trames,
Des
faux-semblants qui bouchent l'horizon !
Le
monde souffre. Attentifs à ses drames,
Hardis
meneurs, haussez le diapason !
Si
nos excès condamnent la croissance
Forgeons
les mœurs qui nous rendront heureux,
Mobilisons
pour soigner notre chance
Esprits
prudents et cœurs aventureux.
BONHEURS
Le
bonheur est inconsistance,
Intermède
fragile et flou,
Tentative
d'un rêve fou
Que
banalise l'existence.
Mais
c'est aussi, calme profond
Au
terme de rudes journées,
Après
les tâches bien menées,
Le
havre d'un zèle fécond.
Instant
de paix, moment de joie,
Il
fuit, insaisissable proie,
Leurre
effronté de l'absolu.
Savourons,
du temps éphémère
-
le seul qui nous soit dévolu -,
La
magnificence ordinaire.
LE RÊVE EN PRISON
Rien
ailleurs. Le centre est partout.
Il
navigue dans notre tête.
Nabab
ou gueux, génie ou bête
Chacun
le situe à son goût.
Le
boutiquier dans son échoppe,
La
mondaine dans les salons,
À
l'écart des grands aquilons,
Nichent.
Leur moi les enveloppe.
Dans
son champ l'auguste semeur,
Le
gai charpentier sur sa poutre,
Le
top-modèle qui s'accoutre
Mettent
la Terre à leur humeur.
La
Terre pourtant n'en a cure
Qui,
sur l'orbite, tourne rond
Sans
même relever l'affront
Que
l'homme inflige à la nature.
C'est
ainsi que, jour après jour,
Chaque
chose occupe sa place,
L'heure
file, une autre la chasse
Dans
un tourbillon sans retour.
Échevelée,
une comète
Jaillit
parfois du fond des cieux
Et
gicle ses ors merveilleux
Parmi
des foules en goguette.
Elles
en perdraient la raison
Mais
sans ordre le monde chute...
Halte-là
! Gare à la culbute !
Le
rêve rejoint sa prison.
***
PLUS
LOIN QUE LA RAISON
Glorieux
successeur de puissances occultes
Dont
la morgue écrasait les peuples d'autres temps,
Dieu
trône encore. Juifs, chrétiens, mahométans
L'ont
démultiplié pour mieux vivre leurs cultes.
Le
créateur dont l'homme a corrompu la Loi
Se
trouve écartelé : chacun le veut pour soi.
Il
règne néanmoins, lueur qui chasse l'ombre,
Espoir
tonifiant ouvert au plus grand nombre
Et,
malgré le non-sens de sa diversité,
Oracle
fabuleux devenu vérité.
La
foi qui continue à l'entendre, à le croire
A-t-elle
un fondement ? Cela, nul ne le sait.
La
raison, seul arbitre en ce monde imparfait,
Rechigne
à ce débat qu'elle juge illusoire.
L'une
voit le Sauveur, le maître du salut,
Commuer
notre mort en bienheureux début,
La
seconde, appliquée à lire cette annonce,
N'a
pu la déchiffrer ; sceptique, elle renonce
À
percer un secret tiré de l'absolu,
Prophétie
où d'ailleurs son rôle est superflu.
Car, depuis trois mille ans, Dieu, source intarissable,
Contre
toute logique existe parmi nous
Sans
que rien ni personne autrement qu'à genoux
Ait
jamais démontré son être inconcevable.
Que
d'hymnes, dans l'azur, ont acclamé son vol !
Sans
preuve... Alors, si Dieu siégeait sur notre sol ?
Que
monte la ferveur, que plane le mystère !
La
raison nous ramène aux défis de la Terre
Qui,
dé-sacralisés par ses prudents efforts,
La
laissent insensible aux divins réconforts.
Plutôt
que chercher Dieu, souveraine origine,
Idée
intemporelle où se fond le passé,
La
raison scrute l'homme éperdu, menacé,
Frêle
face aux rigueurs du sort qui le domine.
Conscience
éprouvant, dès son premier éveil,
La
fierté d'incarner un être nonpareil
Mais
en butte aux courroux de la nature hostile,
Il
voulut tempérer cette force indocile
Et,
pour l'apitoyer, lui conféra l'esprit :
Lutins,
gnomes et dieux, ainsi le ciel s'ouvrit.
Ce
fut le premier pas d'une longue aventure.
L'homme
a magnifié son funeste horizon,
Projeté
son regard plus loin que la raison
Et
pris, pour le guider, sa propre créature.
Serait-elle
aujourd'hui condamnée à l'exil ?
Le
doute se répand : Dieu s'effacera-il ?
Mentor
impérieux venu d'une autre époque,
Vénérable
qui gronde et que la foule invoque,
Mythe
ou réalité, son empire éclatant
Décline
doucement dans nos cœurs. Et pourtant...
Les
échos du passé proclament sa présence.
Mansuétude
offerte aux larmes de chacun,
Extatique
flambeau d'un idéal commun,
Chimère
ou non, elle a suscité la croyance
Car
si Dieu qui nous mène, apaise nos tourments,
Qui
sait notre mérite et nos égarements,
Qui
nous grandit parfois et plus souvent nous blâme,
Si
Dieu n'est qu'un reflet des angoisses de l'âme
Tenu
pour seul témoin, pour juge et pour appui
Il
ne peut nous quitter : l'homme le porte en lui.