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FIGURES
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VVRROOUUMM.... 

Enfance fraîche, adolescence folle,
Menus malheurs et lendemains fleuris
Ouvrent la vie, aimable farandole,
Mince aperçu de ses charivaris.

Vient l'âge mûr où gronde la tourmente.
L'homme en oublie, emporté par le temps,
Le seul des biens qui mérite une attente,
Sa vérité, celle des sentiments.

Puis sonne l'heure où se fige en arrière
L'acte accompli, sans appel et glacé ;
L'éveil n'est plus qu'un halo de lumière,
Un songe creux au regard dépassé.

***

SOLITUDES

Solitude ! Trou noir, vide que l'existence
Inflige aux oubliés, repaire de l'ennui
Où la suite des jours s'engouffre, sans appui,
Vaine, sans perspective autre que la souffrance.

Libre, elle peut aussi nous conduire à l'errance ;
Les lumières d'antan, les fracas d'aujourd'hui,
L'effort de la pensée accompagnent celui
Dont l'avide regard suscite une présence

Car, détresse profonde ou défi stimulant,
Elle n'est rien en soi sinon un faux-semblant :
Quiconque la ressent se renonce et se nie.

La vie, intensément, fourmille autour de nous,
Son désordre brutal est notre compagnie,
Alors, même reclus, soyons au rendez-vous.

***

L'INTRUS

L'espace, tu le vois. Il t'enferme ou se donne...
Enclos du voisinage ou ciel de liberté,
Paysage, tu peux, divers ou monotone,
Le décrire, le peindre en toute vérité.

Le temps, tu le connais, c'est la ronde des heures
Qui jalonne la vie et borne ton chemin.
Tu le chantes parfois et, plus souvent, le pleures,
Il nourrit cependant l'espoir du lendemain.

Ton regard familier t'entraîne au bout du monde,
Où règnent des horreurs que voile un beau décor
Et rencontre partout la misère profonde
Que méconnaît le luxe et que méprise l'or.

Ta pensée a parfois la fortune d'entendre
Les échos du savoir et ceux de la raison,
Ceux d'en haut mais en bas, où tu dois redescendre,
Un inconnu t'attend, niché dans ta maison.

Comparse, ombre ou reflet, ton double ou ton contraire,
Cet importun s'obstine à surveiller tes pas,
S'il veut les corriger tu ne l'écoutes guère,
S'il te renie, alors... tu ne le comprends pas.

*** 
  
CONTRAIRES

La Belle Époque exhibe en son Petit Palais,*
Frais minois et joyaux, les frasques et reflets
D'un temps devenu légendaire,
Sans dire la misère et les talents obscurs
Qui permirent ce faste aux effluves impurs,
Bonheur surgi de son contraire.

Austère, le constat se révèle cruel
Quand, mis au diapason de l'ordre universel,
Il en suit le cours ordinaire :
La faiblesse combat pour subsister ou meurt,
Fissure du néant, l'existence est un heurt,
Séisme né de son contraire.

*Exposition « PARIS 1900, LA VILLE SPECTACLE » (au musée du Petit Palais, avril-août 2014)

***

L'HOMME DU MONDE

Formule ambivalente, insigne hommage
Ou sobriquet d'un léger personnage
L'homme du monde incarne l'air du temps.
Extraverti, libre de tout ancrage,
Il se prodigue, affiche ses talents,
Être affairé qu'éparpillent les vents.

Mais tel n'est pas celui de Baudelaire,*
Témoin posé de la vie ordinaire
Cœur humble et pur, artiste de surcroît
Qui, généreux, se fait l'intermédiaire
Entre le siècle et nous, le peintre adroit,
Le grand passeur du monde auquel il croit.

Prémonitoire, un autre se présente,
Rare, ignoré, perdu dans la tourmente,
Fils de la Terre, adulte et citoyen
Dont le sermon fortifie une attente :
« Chassons les préjugés du monde ancien !
Serrons les rangs ! Sinon, l'homme n'est rien. »
 
*« Le Peintre de la Vie Moderne » (III – L'Artiste, Homme du Monde, Homme des Foules et Enfant) 

*** 

LES RELENTS DU PASSÉ

Vestiges attardés aux tréfonds des cavernes,
Peuplades à l'abri d'une épaisse forêt,
La préhistoire est là qui nous réapparaît,
Vieux trésors non exempts de querelles modernes.

Le passé primitif, patrimoine commun,
A reposé longtemps en paix dans nos mémoires
Mais le monde est houleux : ses flux contradictoires
Propagent la discorde au cœur du genre humain.

Seuls à nous prévaloir d'une grâce divine,
Nous avons méconnu, puis dévalorisé
L'apport des plus anciens, nous avons méprisé
Nos précurseurs nantis d'une moindre origine.

À présent mieux reçus dans nos mentalités,
Ces ancêtres lointains sont devenus des hommes
Faits de vice et vertu, pris pour ce que nous sommes,
Enfin dignes d'égards et réhabilités.

Ouverture et progrès, cette métamorphose
Exalte la nature, élève les esprits
Mais ne détourne pas de pointilleux conflits
Les grincheux aux aguets de quelque noble cause. 

Ils fustigent sans fin l'ignorance et l'orgueil
Qui, n'ayant pas compris les hommes d'un autre âge
En ont perdu la trace, effacé le message
Ou les ont sottement perçus d'un mauvais œil.

° °
°

Ils dénoncent aussi l'ivresse conquérante
De siècles d'aventure où trop d'atrocités
Opprimèrent à mort tant de sociétés
Dont aucune, d'ailleurs, n'était plus tolérante.

Faut-il vitupérer l'horreur des autres temps,
Leurs excès monstrueux, leurs monceaux de victimes,
Pourfendre les méfaits de bourreaux anonymes
Quand la furie endeuille encore nos printemps ?

Au rebours, devons-nous faire l'apologie
De peuples malheureux au destin englouti ?
Pourquoi les aduler, épouser leur parti,
Les surfaire... sinon par idéologie ?

Rien ne corrigera, des vieux jours disparus,
Le multi-millénaire et tortueux dédale,
Nul ne peut démêler avec notre morale,
Moins encore juger ces parcours incongrus.

Ponctués de raison, emplis de violences,
Frayés au fil des ans ils nous ont façonnés
Et beaucoup de leurs torts aujourd'hui condamnés
N'avaient guère, jadis, heurté les consciences.

° °
°

Troglodyte et sauvage émergés de l'oubli
Échappent aux sermons. Du premier, homme habile,
Proviennent le silex, la fresque indélébile,
Témoignages flagrants de son art accompli.

Quant au second il vit, reflet d'une autre époque,
Il végète à l'écart, objet de maigres soins,
Tributaire indolent de ses menus besoins,
Pathétique héritier d'un modèle équivoque.

Tous les deux , salués de zèles militants,
Sont enfin nos égaux mais sous le nom de « l'Autre »,
Hommage qui les sort du lot commun, le nôtre,
Et, crûment, les renvoie à leur espace-temps.

Faudrait-il tenir l'homme à l'état de nature
Pour un parent lointain ? Si nous sommes divers
Unique est notre espèce et, face à l'Univers,
Nous sommes une seule et même créature.
Les peuples ont écrit les heures du passé
Chacun selon ses us, phases riches ou noires,
Fait accompli. À nous, successeurs transitoires,
D'agir et d'infléchir au mieux notre tracé.

À quoi bon ressasser, rebattre les rudesses
De jadis, en médire avec acharnement ?
Sommes-nous trop mauvais pour nous aimer vraiment ?
Honorons les acquis, ranimons les promesses,

Entretenons nos droits... Nous avons pour devoir
Un présent nébuleux et l'avenir qui tonne.
L'Histoire n'attend pas de leçon, elle en donne :
Pour nous montrer meilleurs, sachons les recevoir.

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